« L’Ardoise magique », une énigme vite effacée

lardoisemagique.jpgMina, dix-huit ans, et sa meilleure amie, la parfaite Alice, décident de mettre ensemble fin à leurs jours. Mina est orpheline, détestée par sa tante, effacée et tourmentée, alors que la riche et brillante Alice, choyée par ses parents mène une vie de lumière. Pourtant, à l’instant T, c’est Alice qui saute du pont, laissant Mina désemparée…

Je suis retombée récemment sur ce roman, que j’avais repéré à sa sortie car il m’évoquait ma propre adolescence, cet âge trouble où l’amitié peut vraiment se dire « à la vie à la mort ». Je n’avais alors pas eu le temps de me plonger dans ce livre, mais je dois avouer que son contenu s’est révélé très différent de ce que j’imaginais.

Après une entrée en matière abrupte qui nous donne à voir le saut de l’ange d’Alice et la fuite éperdue de Mina, le roman se construit par flash-backs successifs, développant le contraste radical entre ses deux protagonistes : Alice a de longs cheveux châtains noués en queue de cheval, les yeux verts et un manteau assorti, un agenda en cuir, un sac à paillettes, une voiture avec chauffeur, une mère gravure de mode qui passe ses journées à décorer avec goût la sublime maison payée par le gros salaire du père banquier. Mina, brune ébouriffée au look masculin négligé, est discrète, méfiante comme un animal sauvage, et vit dans une petite chambre chez son oncle indifférent et sa tante qui lui en veut d’être venue comme un fardeau dans leur existence après la mort de sa mère alcoolique. On ne pourrait faire plus cliché, mais admettons.

Le récit met en scène les souvenirs de Mina, qui se demande pourquoi elle s’accroche à sa vie si médiocre alors que la sublime Alice a préféré mourir, abandonnant une vie toute tracée. Les conversations des deux adolescentes sont relatées comme de petits débats philosophiques sur la liberté, l’indépendance, l’ouverture d’esprit… Face à une Mina désespérée, Alice professe l’optimisme et le courage mais ne dévoile jamais ses propres raisons de vouloir mettre fin à ses jours. D’où les questions de Mina après sa mort. On peut d’ailleurs s’étonner de la réaction de la jeune fille qui vient de perdre sa meilleure amie : elle semble déboussolée mais pas plus triste que cela, alors qu’on aurait tout de même pu s’attendre à des larmes voire de l’hystérie, au vu de ce qu’elle vient de vivre. Ces réactions très réfléchies et un peu en décalage avec la réalité des événements confèrent au personnage une dose d’onirisme et d’irréalité.

La situation de Mina devient rapidement très étrange : réfugiée dans une cabane au fond d’une propriété inhabitée, elle reçoit l’aide matérielle et le soutien psychologique d’un parfait inconnu, qui bizarrement ne lui suggère jamais de chercher à sortir de sa situation précaire. On s’étonne aussi que personne n’ait lancé de recherches dans l’entourage de la jeune fille, qu’il s’agisse de son oncle ou de son lycée. Mina finit par se faire embaucher par la mère d’Alice comme femme de ménage, désireuse d’en apprendre davantage sur la vie de son amie, et peut-être de tenter de prendre sa place dans cette famille qui l’attire.

Le plus étrange est sans doute le personnage de Sans-Larme : ce jeune gothique, serveur dans un bar, mal dans sa peau, se prend d’affection pour Mina et tente de l’aider à apprécier de nouveau la vie. De lui, on ne sait pas grand chose, et le point de vue interne de la narration ne permet jamais vraiment de saisir les motivations de ce marginal au grand cœur.

Alors qu’on se prend tout de même, malgré les incohérences et les personnages plus esquissés que réellement creusés, à attendre une révélation fracassante sur les raisons du suicide d’Alice, la fin est tout autre, et justifie de façon un peu alambiquée le titre mystérieux du roman. Si la révélation permet de relire rétrospectivement le cheminement de Mina en lui apportant un peu plus de cohérence, on n’arrive toutefois pas complètement à recoller tous les morceaux de l’intrigue.

Au final, les personnages-stéréotypes, le côté chimérique et les leçons de vie que cherchent à transmettre le livre en font une sorte de conte philosophique pour adolescents. On pourrait croire cette histoire écrite par une jeune fille à l’âme romanesque, car le manque de précision et d’originalité dans les descriptions des personnages et du décor ressemblent fort à des défauts de jeunesse. Puisqu’il n’en est rien, considérons qu’il s’agit là de parti-pris destinés à universaliser cette histoire de passage compliqué à l’âge adulte.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Créez un site Web ou un blog gratuitement sur WordPress.com.

Retour en haut ↑

%d blogueurs aiment cette page :