« La Cage dorée » : prisonniers des clichés

Lacagedoree.jpgMaria et José, couple de Portugais émigrés en France, vivent modestement dans la loge d’un immeuble bourgeois. Elle est concierge, lui chef de chantier et homme à tout faire à ses heures perdues. Leur quotidien est rythmé par les services rendus à leur entourage familial et professionnel, jusqu’au jour où José hérite de la demeure de ses ancêtres au Portugal. Mais pour devenir propriétaires, une clause stipule qu’ils doivent habiter cette maison, et donc retourner au pays… 

C’est par un week-end tourangeau que je me suis retrouvée au cinéma pour voir « La Cage dorée », premier film du jeune réalisateur Ruben Alves. La bande-annonce du film m’avait parue sympathique, rien de plus.  Mais face au succès surprise de ce long-métrage, je me suis décidée à aller voir de plus prêt de quoi il retournait.

Je dois dire que j’en suis sortie mitigée. Au premier abord, impossible de le nier, j’ai passé un bon moment devant cette comédie rythmée aux acteurs enthousiastes. Maria et José jouent avec justesse l’hésitation de ce couple pris entre deux vies, celle qu’ils ont dû se construire puisqu’il le fallait bien, et celle dont ils ont toujours rêvé sans oser l’espérer. Cette famille de vrais gentils tout en retenue est complétée par les deux enfants du couple, un peu moins effacés : Paula, jeune avocate dynamique, et Pedro, ado complexé par l’origine modeste de ses parents. Fort heureusement, une galerie de seconds rôles détonants apporte un peu de fantaisie à ce tableau bien sage : les patrons de José, campés par Roland Giraud et l’inénarrable Chantal Lauby, Nicole Croisille en vieille teigne intraitable, et l’horripilante sœur de Maria incarnée par la pétulante Jacqueline Corado.

On passe un bon moment, certes, mais que retient-on de ce film ? Le couple plutôt crédible formé par Barbara Cabrita (Paula) et Lannick Gautry, inattendus dans ces rôles puisqu’on les connaît d’habitude, elle en laborantine du RIS dans la série éponyme, et lui en éternel dragueur (voir mon article sur Un heureux événement). Leur maladresse est touchante, et on aime beaucoup les répliques qui le font passer pour un idiot (« positif dans quel sens ? », « donc là, j’ai l’air d’un con »). On notera surtout la scène du dîner familial qui tourne mal, et l’excellente Chantal Lauby accumulant les gaffes. Et sans doute, pour les amoureux de la culture portugaise, le fado inspiré d’une chanteuse anonyme dans un petit restaurant romantique.

Au-delà de ces quelques atouts qui suffisent à en faire un film agréable, l’œuvre de Ruben Alves déçoit justement par ce qu’elle veut mettre en avant : le jeu avec les clichés sur les émigrés portugais. Car de jeu, ici, il n’y a point, et aucun détournement ne vient battre en brèche l’accumulation d’images attendues qui se déversent en flot continu sur le spectateur. De la sœur hystérique qui aurait pu figurer dans un Almodovar aux professions respectives de Maria et José, en passant par la musique et les plats traditionnels, tout y passe. Du début à la fin, on attend la rupture, la note inattendue qui viendrait enrayer cette mécanique bien huilée. On l’espère fortement au moment du dîner, et on croit la tenir lorsque Chantal Lauby se met à imiter déplorablement l’accent portugais. Enfin, on va se moquer du cliché, enfin, on va jeter au feu la caricature ! Mais non. Le film reprend son cours avec tout de même une rébellion des protagonistes, mais minime, et qui ne sert qu’à préparer un happy end encore plus conventionnel et dégoulinant de bons sentiments. Dans le jardin de la maison portugaise, tout le monde s’aime, tout le monde chante, tout le monde est réconcilié. À croire que le Portugal est le pays des Bisounours.

Alors, certes, Ruben Alves (que l’on aperçoit dans le film sous les traits de l’ex de Paula) a voulu faire un gentil film en hommage à ses parents, modèles de José et Maria, et à toute la communauté portugaise. Au fond, on n’est pas si loin du célèbre et peu fin Bienvenue chez les Chtis, avec ici un peu plus de subtilité : une comédie communautaire qui tire son succès de la vague de communautarisme ambiante. Les Portugais vont aimer le film qui parle d’eux, ou du moins de ce qu’ils sont censés être, et les autres aimeront le fait qu’un enfant du métissage culturel rende hommage à ses racines. Reste à savoir si pour autant les Parisiens qui auront vu le film traiteront leurs concierges portugaises avec plus d’humanité…

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